mercredi 18 avril 2012

Personnalisation

Dernier de trois vices dont je parlerai parmi tout ce qui affaiblit l'efficacité du vote (les deux autres sont l’abstention et le "vote utile").

Personnaliser, c’est déterminer son vote (ou son engagement) en fonction de la personnalité d'un ou d'une candidat-e. On vote alors en fonction du sentiment que nous inspire la personnalité de quelqu'un. Ça peut-être très flou comme impression ("celui-là, je le sens pas") ou ça peut-être déterminé par des choses plus précises ("machin a fait ci, a dit ça, ça va pas"). C'est un comportement bien naturel. C'est comme cela qu'on juge les gens qu'on rencontre dans la vie de tout les jours, qu'on détermine ses amitiés ou à qui l'on accorde sa confiance. Mais ça n'est pas du tout adapté aux choix politiques qu'on doit faire en tant que citoyen.

Cela parce qu'on a, le plus souvent, une image des politiciens qui ne correspond pas du tout à ce qu'ils sont réellement. Cela aussi parce que ce qui sera fait réellement par le pouvoir politique dépend très peu ou pas du tout de la personnalité du candidat élu. Enfin, ça masque les vrais enjeux. Ce qui est important, c'est que le peuple se mobilise sur un programme. Si il est aveuglé par la personnalité de tel ou tel candidat, il en oublie de s'interroger sur ce qu'il faudrait faire (on pourrait aussi dire : si les médias nous saoulent en permanence avec des considérations sur le caractère de tel ou tel, c'est autant de temps d'antenne qui ne sera pas consacré au débat sur les programmes).

Je reviens sur les deux premiers points.

Premier point.
A moins qu'on ne connaisse personnellement la personne, l'image qu'on a des politiciens est une construction médiatique. Elle résulte d'un jeu où tous (les médias stipendiés ou eux-mêmes manipulés, les politiciens coachés ou simplement malins) cherchent à manipuler les autres (les médias, les politiciens et les citoyens).

Parenthèse : la manipulation est parfois inconsciente ! On (on, c’est-à-dire nous, simples citoyens ou eux, gens de médias) peut se laisser prendre au piège des préjugés. C'est le cas lorsqu'une opinion dominante bien enracinée fait apparaître comme excessif ce qui n'est qu'une critique argumentée de cette même opinion dominante. Une paraphrase pour essayer de me faire bien comprendre : une opinion peut être tellement enracinée dans nos consciences qu'on a du mal à accepter de la considérer comme un préjugé (ce que la critique nous demande) plutôt que comme une loi de la nature (ce que l'on fait inconsciemment).

Bref, cette image est extrêmement malléable, surtout par ceux qui ont prise sur les médias (l'UMP et le PS, bien inscrits dans les cercles du pouvoir). C'est donc un mauvais critère de jugement.

Deuxième point.
Que les actes ne dépendent que peu de la personnalité (ou soi-disant personnalité, puisqu'on a vu qu'on ne la connait pas réellement) des politiciens se voit bien avec l'exemple de Chirac et Sarkozy. Deux personnalités différentes au possible, entre l'homme qui boit des bières et mange de la tête de veau et le président du Fouquet's, on était en droit d'attendre que Sarko favorise éhontément les super riches et que Chirac réduise la fracture sociale. Cependant les chiffres montrent que, sous Chirac, la réforme de l'imposition a été bien plus favorable aux gros revenus que sous Sarkozy. En fait, Sarko a eu une politique dans la droite ligne de celle qu'a menée Chirac, tout juste infléchie par l'irruption de la crise qui l'a forcé à quelques mesures cosmétiques de taxations des riches (un peu et dans le même temps qu'on taxe beaucoup les pauvres).
C'est d'abord l'état idéologique de la société qui conditionne l'action gouvernementale, puis, dans le désordre la force de l'administration, des partis, la situation internationale etc. Mais la personnalité pas trop, non.

Épilogue centré sur l'actualité.
Tout ceci est (entre autres) la raison pour laquelle il ne faut pas se formaliser sur le tombereau de soi disant révélations qui s'abattent en cette fin de campagne de premier tour sur le candidat du Front de Gauche. Toutes ces attaques sont censées nous montrer un candidat qui complote, qui a quelques références idéologiques un peu troubles mais l'important reste le programme. Ce que ça révèle surtout, c'est que le PS (ou l'UMP, on pourrait passer devant eux au premier tour) avait gardé dans ses cartons de quoi animer la dernière semaine, qu'ils le déversent sans vergogne par leurs canaux médiatiques et que si des gens se formalisent parce qu'on discute avec ses adversaires politiques, ils ont perdu le sens de l'idéal républicain.

Mais pourquoi avoir choisi Mélenchon si c'est un homme si sulfureux (enfin pas pour moi mais bon) ? Ce que le Front de Gauche demande à son candidat, c'est d'être le porte voix d'un programme. Mélenchon est excellent pour faire passer les idées du Front de Gauche en interview et en meeting. On a choisi le bon.

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