lundi 21 juin 2010

retraites

Désolé, c'est assez long. J'ai essayé de me limiter à des choses qu'on n'entend nulle part pour que vous ne perdiez pas votre temps à relire ce qui est déjà rabâché dans les médias. Bon, c'est vrai, à part le premier paragraphe mais c'est pour situer le contexte. Et le dernier.

Finalement, ils ne sont pas si méchants que ça, ces vilains politiciens. Ces vilains politiciens qui baissent les impôts des riches et des grandes entreprises, qui vendent les bijoux de famille (autoroutes, edf, gdf etc.) et qui dérégulent tout ce qu'ils peuvent en matière de droit du travail, de santé publique et de contrôle des capitaux et de la finance. Ces vilains politiciens qui, après avoir consciencieusement vidé les caisses de l'état par toutes les méthodes énumérées précédemment, nous disent qu'on n'a pas le choix et qu'on doit : accepter des bas salaires, accepter de travailler plus ET casser les services sociaux, sans quoi le FMI nous punira parce que les marchés ne nous prêteront plus d'argent (en fait l'effet sur l'endettement des mesures de casse sociale sera quasi nul voir néfaste mais c'est une autre histoire).

Ils ont accepté, dans leur immense bonté, de n'augmenter les divers âges de la retraite et les diverses durées de cotisation que de deux ans ! Ils ont accepté de taxer les riches et le capital ! Bon c'est vrai, à côté, ils baissent le salaire des fonctionnaires. On ne pouvait pas attendre moins de la part d'un gouvernement de droite !

Voilà le genre de réaction qu'ils visent avec cet avant-projet. Ils ont bien manoeuvré. Il est vrai qu'il est extrêmement difficile après la campagne médiatique qui a précédé de mobiliser contre ça. On a effrayé très fort tout le monde, on sort un demi plan, tout le monde est rassuré même si ça ne va toujours pas dans son intérêt. Et, cerise sur le gâteau, on annonce que les riches vont payer et on les fait payer par toute une série de mesures plus ou moins illisibles qui donnent une impression d'abondance quand en fait le détail des chiffres pourrait montrer tout autre chose.

Ce qu'il faut voir, c'est que ces 4 milliards d'e (somme qu'il est prévu que les riches paieront) se comparent, d'une part, aux 30 milliards de cadeaux accordés aux mêmes riches depuis 2002 et d'autre part, à ce qu'on exige du reste de la société en même temps (90 % des économies supplémentaires annoncées dans le plan sont faites sur le dos du citoyen lambda). En plus, il peut y avoir une part d'effet d'annonce là-dedans. Que restera-t-il en matière d'efforts vers moins d'injustice après les amendements votés au coeur de l'été par une majorité à la botte du médef ?
Il est donc clair que ce projet ne fera pas diminuer les inégalités, il les accroîtra. Après une décennie de cadeaux aux riches et d'étranglement des faibles, on ajoute un fardeau plus grand sur les épaules des pauvres que sur celles des riches. On peut donc être à la fois pour que les riches payent plus d'impôts et être contre ce projet.

side-note : augmenter la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu de 1%, ce n'est pas forcément une mesure égalitaire non plus car on sait que les inégalités les plus fortes se font parmi les 10% les plus riches. Ici, on les met tous à l'amende (symboliquement mais tout de même) de la même manière. Ce qui serait autrement mieux, ce serait d'ajouter des tranches d'imposition à l'impôt sur le revenu.

De même, le recul social apparaît limité par rapport à ce qu'on craignait et on se dit qu'on peut bien faire des sacrifices de temps en temps. La vérité, c'est que ce ne sont pas "des sacrifices de temps en temps" mais un recul quasiment continu depuis le début de l'ère néolibérale des acquis sociaux et un recul que rien ne justifie. Rien sauf la perspective pour les grandes multinationales et leurs actionnaires d'accroître leurs profits. On peut se dire qu'ils peuvent bien empocher ce qu'ils veulent et que nous on se contente de peu et qu'on n'en est pas moins heureux pour autant. Ce raisonnement est faux. D'abord il y a de nombreux signes que les gens sont effectivement affectés et que leur travail devient de moins en moins supportable. La multiplication des jobs de merde avec moyens insuffisants et obligation de recherche du profit maximum à tout instant conduit beaucoup à la dépression voire au suicide. La pauvreté augmente avec l'insécurité, son corollaire. Il faut voir aussi la dégradation des conditions du métier d'enseignant comme une conséquence de la dégradation du lien social qui suit la casse des services sociaux. De manière plus indirecte, on a d'autres effets sur la démocratie et sur l'environnement. Ces mesures de casse sociale accroissent les inégalités et accroissent le pouvoir de la finance et des grandes entreprises. Les inégalités empêchent d'engager une évolution vers une société moins gourmande en énergie parce que les pauvres voient (et à juste titre) comme une injustice les efforts qu'ils seront les seuls à devoir faire absolument (les riches pourront toujours payer pour éviter de les faire). Les inégalités permettent aux plus riches de mener un mode de vie très dispendieux en énergie qui fait saliver tout le monde et que tout le monde imite dans la mesure de ses moyens. L'effet sur la démocratie provient directement du conflit entre le pouvoir des grandes entreprises et de la finance et celui des états (conflit dont la clé réside souvent dans le contrôle des médias par une bande du Fouquet's ou par un magnat italien).

Ici, je voulais expliquer pourquoi augmenter la durée de cotisation (ou l'âge de départ, tout ça c'est équivalent à quelques détails près) est une méthode qui revient à diminuer le niveau des pensions (en gros parce que c'est impossible de cotiser assez pour avoir un taux plein, compte tenu du chômage) et qui augmentera le chômage (plus d'emplois occupés par des vieux qui sont fatigués de travailler et moins par des jeunes qui ne demandent que ça) mais je me dis que l'article est déjà assez long comme ça. À part ça, j'accepterais volontiers une augmentation de la durée de cotisation seulement si elle était accompagnée d'une forte diminution du temps de travail hebdomadaire ou d'années sabbatiques payées ou d'autres mesures du même style qui diminuent le temps passé au boulot et en laissent pour se consacrer à autre chose qu'à des tâches à but lucratif.

Un recul social faussement limité donc et ce d'autant plus qu'il ne résout pas le problème de déficit lié aux retraites (pas plus que la réforme Fillon en son temps, souvenez-vous...) Car s'il ne résout rien, cela signifie aussi que la droite se garde de quoi faire pour l'après 2012. Faire avaler une réforme insupportable par petits bouts, ça ne la rend pas meilleure.

Enfin, le problème des retraites mérite vraiment une mobilisation citoyenne. Ça parle du temps de travail. Ça parle de la répartition des sous entre capital et travail. On peut et on doit exiger plus sur ces sujets qui sont à la racine de la crise actuelle.

Démonstration :
La productivité a augmenté. On n'a pas diminué le temps de travail. D'où l'apparition du chômage de masse. Celui-ci permet de menacer les gens qui ont un emploi de les virer à la moindre de leurs revendications. Et donc de faire augmenter la part des profits qui vont au capital (i.e. aux actionnaires) puisque qu'on peut faire stagner les salaires et exiger toujours plus des salariés. D'où vient la demande alors ? De l'endettement privé qui, conjointement avec l'accumulation de pognon dans les mains de gens qui en ont tellement qu'ils ne savent plus qu'en faire, crée des bulles spéculatives, qui crèvent en causant les dommages que l'on sait.

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